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jeudi 14 décembre 2017

Ecole démocratique au bidonville

Voici mon nouveau challenge aux Philippines: 




Dans l'ensemble des Philippines, 50% des élèves de première année abandonneront leurs études avant la fin (Nava, 2009). 

Au-delà de la crise des décrochages, un problème plus vaste et imminent est partagé par les pays du monde entier: les enfants sont désengagés et s'ennuient dans la classe traditionnelle.

Le style rigide de l'éducation est tout particulièrement néfaste dans les contextes les plus pauvres. 

Sur le plan financier, les familles n'ont tout simplement pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école, car une famille de cinq personnes vivant dans la pauvreté consacrerait la moitié de son revenu à l'école (Moore, 2016). Ce qui arrive, par conséquent, est que les familles «spécialisent» leurs enfants (Murakami, 2011). Cela signifie qu'un enfant devient l'espoir de la famille et que leurs besoins scolaires sont satisfaits, tandis que les autres enfants de la famille travailleront pour subvenir aux besoins de base. C'est une des raisons pour lesquelles les familles les plus pauvres ont de plus grandes familles. Les plus pauvres agissent donc de cette manière de manière très rationnelle. 



La fondation Fairplay For All (https://fairplayforall.org/) a commencé à travailler dans le domaine de l'éducation par le biais d'un centre d'accueil où les enfants avaient un espace sûr pour apprendre, jouer et se reposer. Ils ont progressivement commencé à parrainer des enfants réguliers qui se sentaient prêts à retourner à l'école formelle à travers le centre d'accueil. Dans la plupart des cas, cela a été un succès. La fréquentation et les notes s'améliorent progressivement.

Cependant, au fil du temps, il est devenu clair, grâce à la recherche et aux commentaires de la communauté, que cela ne pouvait pas être une solution universelle.
Actuellement, dans les écoles publiques de Payatas, il y a en moyenne entre 60 et 80 enfants par classe, soit beaucoup plus qu'ailleurs aux Philippines (40 en moyenne). Si, par exemple, nous renvoyions à l'école publique tous les enfants qui n'étaient pas scolarisés, la taille des classes doublerait.

Pourquoi autant d'élèves par classe à Payatas?
Le recensement dit qu'il y a un peu moins de 120 000 personnes vivant dans le  barangay Payatas, bien que les études académiques suggèrent que le chiffre réel s'élève à 500 000. Etant donné que la plupart des gens sont des squatters et ne possèdent pas la terre sur laquelle ils vivent, ils ne sont pas inclus dans les chiffres officiels. (Gaillard et Cadag, 2009, Bernardo, 2004, entre autres).
Or, il se trouve que les écoles sont réparties sur le territoire en fonction du nombre d'habitants tel que mesuré par le recensement. A Payatas, les écoles sont donc largement en sous-nombre.

Le système traditionnel ne fonctionne pas non plus pour la plupart de ces enfants. Les châtiments corporels sont très fréquents dans des classes où les enseignants peinent à maintenir la discipline dans les classes surchargées et où ils se retrouvent souvent débordés par le nombre d'élèves. Certains élèves, traumatisés, refusent de retourner à l'école pour cette raison.

A la fondation Fairplay, nous croyons qu'il y a une meilleure façon. 



Nous croyons en l'apprentissage centré sur l'enfant. 




 Nous pensons que les élèves ont leur mot à dire sur la manière dont l'école est dirigée, sur les leçons qu'ils prennent et sur la façon dont ils façonnent leur avenir. 
 Nous croyons que la curiosité devrait être encouragée et devenir la pierre angulaire du processus d'apprentissage. 

 Nous croyons que les enfants apprennent mieux lorsqu'ils coopèrent, qu'ils ne sont pas en compétition, lorsqu'ils sont heureux et engagés, et qu'ils ne mémorisent pas passivement. 



Nous croyons que les enseignants devraient connaître mieux leurs élèves et qu'ils devraient être libres de soutenir leurs élèves de la manière qu'ils jugent la meilleure, sans lourdeur bureaucratique.







C'est notre vision pour la toute nouvelle Fairplay Academy: la première école démocratique aux Philippines. 

Les élèves apprennent à leur propre rythme, en se concentrant sur le développement social 
et affectif d'abord pour s'assurer qu'ils voient les erreurs comme une étape positive dans le 
processus d'essais et d'erreurs qui incarne le véritable processus d'apprentissage.

L'école est gratuite, et les enfants bénéficient également de repas gratuits pour pouvoir apprendre dans de bonnes conditions. Actuellement, tous les élèves proviennent des bidonvilles alentour.




Bien sûr, nous ne sommes pas proches d'un environnement d'apprentissage parfait, s'il en 
existe un, mais nous espérons progressivement continuer à offrir un environnement 
d'apprentissage plus heureux et plus efficace.

Si vous aussi, vous aimeriez vous joindre à nous et devenir partenaires de cette aventure, vous êtes les bienvenus! Le chemin est encore très long, les écueils sont nombreux. Il y a tant de choses à faire, et à des niveaux tellement différents... Mais à chaque difficulté que nous rencontrerons, nous ferons face ensemble et nous trouverons les solutions appropriées.

vendredi 1 décembre 2017

Addiction: la guerre contre la drogue a tout faux

Aux Philippines, la guerre contre la drogue (et les drogués) fait rage. Plusieurs milliers de dealers et de simples consommateurs ont été tués dans la rue par la police ou par des milices.
Dans sa grosse majorité, la population philippine soutient cette guerre et ferme les yeux sur les "dommages collatéraux" qui s'accumulent, faisant ainsi fi des nombreuses critiques internationales. Un moindre mal pensent-ils. Après tout, comme eux-mêmes ne se droguent pas, ils ne risquent rien.
Pour ceux qui se retrouvent en première ligne, la perception est toute autre.
Dans les bidonvilles, quasiment chaque famille a une victime à déplorer: un fils, un père, un frère, un oncle ou autre. La peur de la police règne, y compris pour celles et ceux qui n'ont rien à se reprocher, car il y a toujours le risque de perdre un proche, ou d'être soi-même victime d'une bavure.

Et pourtant...
La recherche scientifique a bouleversé nos connaissances sur l'addiction. Ces nouvelles connaissances ont une conséquence directe: cette guerre contre la drogue est perdue d'avance, car elle passe complètement à côté du sujet.

Voici ce que tout le monde devrait savoir sur l'addiction
(visionnez en plein écran pour lire les sous-titres confortablement, le bouton "plein écran" est en bas à droite dans la vidéo)





Conclusion: le contraire de l'addiction (liée à l'isolement et à la souffrance), ce sont les relations sociales
Et là, on ne parle pas de Twitter ou de Facebook, mais des VRAIES relations, avec des personnes physiques. Les médias sociaux ont plus tendance à diminuer le nombre d'interactions authentiques, et donc, de manière paradoxale, à augmenter l'isolement des individus, et donc le risque d'addiction! Il est intéressant d'ailleurs de noter que de plus en plus de créateurs de médias sociaux décident de ne plus utiliser leurs propres créations pour eux-mêmes et leur famille... S'ils le font, ce n'est pas sans raison.

2) La drogue, c'est quoi, en fait?
Jetons un coup d’œil au classement de dangerosité des drogues (danger pour l'entourage du drogué + danger pour la santé du drogué lui-même):

Toutes ces drogues sont connues pour être nocives, et à juste titre comme on peut le voir.
Mais il faut savoir que la majorité d'entre elles, à un moment ou à un autre, ont été utilisées à usage thérapeutique. Certaines le sont d'ailleurs encore.
Mais pour quel usage thérapeutique?

 Stimulants: cocaïne (et crack), méthamphétamine (nommé "shabu" au Philippines et principale cible de la guerre contre la drogue), amphétamine, caféine (café, thé, coca cola, red bull), nicotine (dans le tabac, stimulant léger mais pouvant avoir un effet relaxant).
Ils augmentent la vigilance et maintiennent en état d'éveil.

Dépresseurs: alcool, héroïne, opioïdes (morphine), opium,  substances volatiles (solvants que "sniffent" les enfants des rues aux Philippines)
Lorsqu’on se sent mal – stressé, effrayé, triste… – prendre un dépresseur nous aide à moins ressentir ces sentiments négatifs, à rendre tout plus simple, à apaiser nos angoisses. On a le sentiment de «relâcher la pression » quand on a des petits soucis ou qu’on vient de vivre un évènement difficile (une rupture amoureuse, un conflit, un deuil…).

Perturbateurs: cannabis, kétamine, champignons, LSD, Ecstasy
Les perturbateurs sont des drogues hallucinogènes, c'est-à-dire qui perturbent le fonctionnement des sens. Cela a comme effet de modifier la perception. Par exemple, tout devient bleu, ou vert..., les sons sont amplifiés ou déformés, le sens du toucher nous renvoie des sensations bizarres..,

Une personne bien dans sa peau, qui a une belle vie sociale, qui vit dans un merveilleux "rat park" pourra prendre ces drogues à l'occasion, pour un usage récréatif, sans pour autant devenir accroc.
Mais la personne qui utilisera une drogue pour alléger une souffrance continuera probablement à en prendre tant que la souffrance sera présente. C'est cette personne qui deviendra accroc, car elle aura continuellement besoin d'alléger sa souffrance. Ce sera, en quelque sorte, de l'auto-médication.
Pour ces personnes, drogue = anti-souffrance.


3) Donc, comment lutter contre la drogue?
Pour gagner la guerre contre l'anti-souffrance, il faut s'attaquer à la souffrance.
Pour gagner la guerre contre la drogue, il faut résoudre le problème de la personne.
Supprimer, interdire, pénaliser ce qui soulage la souffrance ne résout rien. Au contraire.
L'éducation du type "Dites non à la drogue" n'empêchera pas les gens de souffrir, et donc de se tourner vers ce qu'ils savent pourtant être toxique ou immoral.
Quant à penser que tuer ceux qui souffrent est la solution... 

On en revient ainsi à la guerre contre la drogue aux Philippines.
Lutter contre l'addiction à coups de fusils, ça ne servira à rien.
Cela empire même la situation: marquer les drogués du sceau de l'immoralité revient à les isoler encore plus et à accroître la souffrance, à la fois pour eux et pour leur entourage. Accroître le nombre de personnes qui souffrent, c'est accroître le nombre de personnes qui chercheront un moyen d'alléger cette souffrance, et donc accroître le nombre de futurs consommateurs. On arrivera donc à l'opposé de l'effet escompté.
De plus, c'est de l'argent public gaspillé qui devrait être alloué à la vraie solution: rompre l'isolement et la souffrance des personnes, en informant les familles sur le sujet et en développant l'aide sociale.

Une personne qui ne souffre plus est une personne qui n'a plus besoin de drogue!