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mardi 12 novembre 2019

L'étude ACE: des traumatismes de l'enfance à la mort prématurée


L'étude ACE, c'est quoi?

L’étude ACE de Vincent Felitti et al (1998) porte sur  les effets des traumatismes dans l’enfance sur la santé à l’âge adulte.

ACE est l’acronyme en anglais de « Adverse Childhood Experiences » qui peut se traduire par « les expériences négatives de l’enfance ».

Cette étude a trouvé une forte corrélation entre les traumatismes dans l’enfance et les causes des décès une fois adulte.

Le score ACE est utilisé pour évaluer le stress total durant l’enfance.

Il y a 10 types de ACE dans l'enquête. Le score ACE va donc de 0 à 10.

Voici les 10 ACE et à quel point ils sont fréquents:



Parmi les 17 000 personnes interrogées pour l'enquête, quasiment deux tiers des adultes avaient  expérimenté au moins une des expériences négatives de l'enfance: 




Plus le score ACE est élevé, plus la personne a de risques de faire face dans l'avenir aux problèmes sociaux et de santé suivants : 

- Alcoolisme et abus d’alcool
- Maladie pulmonaire obstructive chronique-MPOC 
- Dépression
- Mort fœtale
- Santé et qualité de vie médiocres
- Usage de drogues
- Cardiopathie ischémique
- Maladies du foie
- Risque de violence entre partenaires
- Partenaires sexuels multiples
- Maladies sexuellement transmises-MST
- Tabagisme
- Tentatives de suicide
- Grossesses non-intentionnelles
- Initiation précoce aux cigarettes
- Initiation précoce aux activités sexuelles
- Grossesses chez les adolescentes.



Plus le score ACE est grand, plus les risques sont élevés.



Si vous souhaitez connaître votre score ACE, voici le questionnaire:





Des découvertes étonnantes: 

Felitti et Anda se demandaient si la cause de cette forte corrélation était que les personnes traumatisées dans leur enfance étaient plus susceptibles de fumer, de boire et de trop manger comme une sorte de stratégie d’auto-adaptation pour gérer l’anxiété chronique - ce qui expliquerait leur plus mauvais état de santé.

Mais là, premier choc : si ces mécanismes  de compensation malsains  étaient courants, ils ne pouvaient pas être la raison principale.

Par exemple, les personnes avec un score ACE de 7 ou plus qui ne buvaient pas, ne fumaient pas, n’avaient pas un excès de poids, n'étaient pas diabétiques et n’avaient pas un taux de cholestérol élevé, avaient toujours un risque de maladie cardiaque plus élevé de 360% par rapport à celles ayant un score ACE de 0.

D’autre part, on pouvait penser que la diminution de l’espérance de vie avait un lien direct avec la pauvreté.
En effet, statistiquement, la frange la plus pauvre de la population a bien une espérance de vie plus faible que le reste de la population.
Il est donc possible de penser que vivre dans la pauvreté est le problème qui a pour conséquence de raccourcir l’espérance de vie.

Mais là, second choc.
L’étude ACE ne portait pas sur les pauvres, mais uniquement sur la classe moyenne.

Les gens de la classe moyenne qui ont un score ACE élevé (6 ou plus) ont une espérance de vie raccourcie de 20 ans par rapport à ceux qui ont un score ACE de 0:


Ce n’est donc pas le fait d’être pauvre qui raccourcit l’espérance de vie.

De nombreuses équipes scientifiques ont par la suite poursuivi les recherches et l’ont confirmé: ce sont bien les traumatismes de son enfance qui raccourcissent drastiquement l’espérance de vie d’un adulte.


Aujourd’hui, la compréhension  des expériences négatives de l'enfance révolutionne notre perception de nous-mêmes, notre compréhension de la façon dont nous sommes devenus ce que nous sommes, et comment nous pouvons mieux prendre soin de nos enfants.


Ce n’est pas tant votre mode de vie qui vous tue, c’est votre stress:

Le stress causé par les traumatismes émotionnels ou physiques que les adultes ont vécus dans leur enfance les rend malades des décennies plus tard, même s'ils ont de bonnes habitudes de vie.

L’adversité à laquelle un enfant est confronté n’a pas besoin d’être sévère pour créer de profonds changements biophysiques menant à des problèmes de santé chroniques à l’âge adulte.

Ainsi, les dix types d'adversité examinés dans l’étude présentaient des dégâts presque égaux.

Même si certains types d’adversité, tels que les abus sexuels, sont moralement perçus par la société comme pires, l’humiliation récurrente de la part d’un parent, par exemple, a un impact encore plus préjudiciable.

L’exposition à des formes très courantes de dysfonctionnement familial, telles que le manque d’affection familiale ou de discorde parentale, entraîne des diminutions de la taille et du volume du cerveau.


Le stress toxique chez l’enfant modifie son cerveau.


Les mécanismes du stress:

Disons que vous êtes au lit et que tout le monde à la maison est endormi. 
Il est une heure du matin. 
Vous entendez un craquement dans l'escalier. 
Puis un autre craquement. 
Maintenant, il semble que quelqu'un se trouve dans le couloir. 
Vous ressentez une soudaine sensation de vigilance, avant même que votre esprit conscient ne pèse les possibilités de ce qui pourrait se passer. 

Une petite région de votre cerveau appelée hypothalamus libère des hormones qui stimulent deux petites glandes - l'hypophyse et les glandes surrénales - pour qu'elles envoient à leur tour des produits chimiques dans tout votre corps. 

L’adrénaline et le cortisol amènent les cellules immunitaires à sécréter de puissantes molécules messagères qui stimulent la réponse immunitaire de votre corps. 

Votre pouls palpite sous votre peau pendant que vous êtes allongé(e), à l’écoute. Les poils à la surface de vos bras se lèvent. Vos muscles se resserrent. Votre corps a reçu la mission de prendre des mesures pour se protéger. 

Vous êtes en alerte.

Ensuite, vous reconnaissez ces pas comme étant ceux de votre frère qui monte les marches après avoir terminé son bol de céréales de minuit. Votre corps se détend. Vos muscles se relâchent. Les poils de vos bras s'aplatissent. L’activité de votre hypothalamus, ainsi que de votre hypophyse et de vos glandes surrénales - «axe de stress HPA» - diminue. 

Ouf, vous vous relâchez.

Lorsque vous réagissez bien au stress, vous réagissez rapidement et de manière appropriée.


Le stress permanent est toxique:

Les hormones du stress jouent un rôle dans notre fonction immunitaire.

Quand le stress est permanent, le corps produit également des hormones du stress en permanence, ce qui conduit à une inflammation non régulée. Et l'inflammation se traduit par des symptômes et des maladies.

Et cela explique pourquoi il y a un lien aussi important entre un état de stress permanent et un nombre de maladies nettement plus élevé.

Le stress est une réaction normale et importante pour le corps en cas de danger. Mais cette réaction n’a jamais été destinée à durer. 

Le stress permanent, lui, est toxique pour le corps.

La réponse au stress fait alors plus de dégâts que le facteur de stress lui-même.


Le stress est plus dommageable pour un enfant:

Bien sûr, le stress émotionnel dans notre vie adulte nous affecte.
Mais lorsque des enfants ou des adolescents se heurtent à des facteurs de stress émotionnels, les effets sont encore plus importants.

Ces facteurs de stress potentiels comprennent notamment:
- le dénigrement
- la négligence émotionnelle
- le divorce des parents
- le décès d’un parent
- les sautes d’humeur d’un parent dépressif ou dépendant
- les abus sexuels
- les traumatismes médicaux
- la perte d’un frère ou d’une sœur
- la violence physique ou communautaire.

Dans chacune de ces situations, il peut arriver que le cerveau reprogramme durablement sa réponse au stress.

Chez les enfants jeunes et en croissance, le processus de réaction du corps face au stress n’est pas encore arrivé à maturation.

Lorsqu'un cerveau d’enfant est constamment poussé dans un état d'hyperexcitation ou d'anxiété à cause de ce qui se passe, dans la famille, à l'école ou dans la communauté, le corps est régulièrement inondé de substances neurochimiques du stress inflammatoire.

Cela peut entraîner des modifications physiologiques profondes conduisant à une inflammation et à une maladie persistantes.


L'imprévisibilité, un facteur déterminant: 

Les adultes ayant eu des expériences défavorables dans leur enfance sont dans un état d'alerte permanente. 
C’est un fonctionnement que leur cerveau a acquis dans l’enfance, alors qu'il leur était impossible de prévoir la prochaine situation de stress.

Le cerveau réagit de la même manière aux différents types et degrés de traumatismes, car tous ont un dénominateur commun très simple: ils sont tous imprévisibles.

L’enfant ne peut pas prédire exactement quand, pourquoi ou d’où viendra le prochain choc émotionnel ou physique.

Ce n’est pas l’intensité d’un événement traumatisant qui importe. Le cerveau d’un enfant est capable de tolérer des événements extrêmement stressants s’ils sont prévisibles et temporaires, comme par exemple le deuil d’un grand-parent.

Ce n’est pas tant la fréquence des événements traumatisants qui importe. 
Si le cerveau a la possibilité de savoir à l’avance, il a la capacité de se préparer et de faire face et de retourner ensuite en mode normal une fois le danger passé. 
A contrario, même si ces événements n’arrivent que très rarement, s’ils sont perçus par l’enfant comme étant imprévisibles, le cerveau de l’enfant restera constamment sur ses gardes.

II reste en état de stress permanent, et cela devient son fonctionnement habituel.



L’importance de la présence d’un adulte fiable:

Les enfants qui sont plus résilients après avoir été confrontés tôt à l'adversité avaient souvent un adulte important et fiable vers qui se tourner dans leur jeunesse; un adulte qui est intervenu et les a aidés à comprendre que ce qui se passait ne les concernait pas et n’était pas de leur faute.

La présence ou l’absence d’un soutien adéquat peut avoir un impact important sur le fait que les facteurs de stress deviennent tolérables ou toxiques.

Le stress est tolérable lorsque des difficultés, même aussi graves que la perte d'un être cher ou une catastrophe naturelle, sont temporaires et sont atténuées par des relations avec des adultes qui aident l’enfant à comprendre et à s'adapter.

Avec quelqu'un sur qui s'appuyer et avec de l’amour, le cerveau de l’enfant peut se remettre de ce qui pourrait autrement être dommageable.


Petit coup de gueule au passage:
Services sociaux de l'enfance, si vous me lisez, veuillez prendre note, vous qui préconisez aux familles d'accueil de "s'attacher à l'enfant mais sans donner d'amour", et qui accusez de "faute grave" celles dont les enfants placés deviennent "trop attachés à leur famille d'accueil qui leur procure trop d'amour"
Si le bon sens ne vous suffit pas, la recherche scientifique est désormais à votre disposition.




Le stress, un instrument de survie, pas de réussite: 

Peu importe le facteur de stress, qu’il s’agisse de pauvreté, de maltraitance à la maison, de harcèlement ou des résultats scolaires, le stress a une incidence sur la structure et l’architecture du cerveau.

Le stress n’est pas l’ingrédient de la réussite.

C’est une recette pour briser le cerveau.

 A la lumière des découvertes récentes, il est d'autant plus essentiel d'identifier et de remédier autant que possible aux causes de stress pour les enfants, que ce soit dans le cadre familial ou scolaire.
A défaut de ne pas pouvoir influer sur les causes, il est toujours possible d'en limiter les effets, en enseignant dès l'enfance les techniques appropriées de santé mentale et de gestion du stress.


Quelles sont ces solutions?

Le cerveau est malléable. Il est possible de le reprogrammer. 

Tout comme les blessures physiques et les contusions guérissent, tout comme nous pouvons retrouver notre tonus musculaire, nous pouvons recouvrer un fonctionnement normal dans des zones cérébrales sous-développées.

Aujourd'hui, les scientifiques reconnaissent un éventail d'approches prometteuses pour réinitialiser notre réponse au stress afin de réduire l'inflammation, et donc les risques de maladies et de mort prématurée.

1) La meilleure solution pour réparer le cerveau est la méditation. 


J'y reviendrai dans un article ultérieur.

D'autres solutions efficaces sont: 

2)  Remplir le questionnaire ACE
Identifier et s'exprimer sur les épreuves traversées dans l'enfance aident à  avancer.

3) Remplir le questionnaire de résilience.



Comme dans le cas de l’enquête ACE, l’enquête sur la résilience donne un aperçu de votre histoire personnelle, en mettant en lumière vos points forts. Les aspects positifs de vos expériences d’enfance sont une partie essentielle de votre histoire.

Il est important de calculer notre score de résilience tout autant que notre score ACE afin de comprendre ce qui nous a aidés à résister à l'adversité. Cela nous permet didentifier et dintégrer davantage de facteurs de résilience dans notre vie adulte. 


4) Yoga, Tai  Chi et Qigong:




Poualler plus loin:
Si vous voulez en découvrir plus sur le sujet, lisez "Childhood disrupted" de Donna Jackson Nakazawa. (in English only)








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