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lundi 11 novembre 2019

Relocalisation: Pros et Cons

Commençons par les avantages:

Pro: l'accès à la propriété.
Les habitants des bidonvilles sont pour la plus grande majorité en situation de squat. Le fait d'être relocalisés leur permet de régulariser leur situation et de devenir légalement les propriétaires de leur terrain et de leur maison.

Pro: les conditions hygiéniques.
Dans un site de relocalisation, chaque famille a accès à ses propres toilettes et douche.
Dans un bidonville, chacun fait ses besoins et sa toilette dans la rue, avec tout ce que cela implique comme manque d'intimité et problèmes sanitaires.

Pro: un environnement plus sain pour les enfants.
Les sites de relocalisation, étant souvent situés en dehors de Metro Manila, ont souvent un environnement naturel beaucoup moins pollué et avec bien plus d'espace et de verdure que les cloaques surpeuplés que sont les bidonvilles. Vivre dans le bidonville de Payatas, au pied de la montagne d'ordures, c'était littéralement vivre dans les poubelles.
Le manque d'espace faisait que les enfants partaient jouer sur la route, et plusieurs enfants s'étaient déjà fait renverser.
C'était un espace de jeu extrêmement dangereux pour les enfants, et notamment pour les plus jeunes et les plus faibles.(Cf l'article sur la "chasse au butete")
Maintenant, c'est beaucoup mieux:





















Passons maintenant aux inconvénients:

Con: Accès aux soins.
Les sites sont très éloignés des centres d'urgence.
A cause du traffic, il faut 4 heures pour atteindre l'hôpital le plus proche.
En cas d'urgence, cela s'avérerait dramatique.
De même, il n'y a aucun médecin à moins d'une heure de route.
Quand un enfant tombe brusquement malade, les distances à parcourir ajoutées au manque de moyens rendent encore plus difficile la décision de consulter un spécialiste de santé.
Donner les soins de base et croiser les doigts pour que ce ne soit pas grave deviennent rapidement les dangereuses réactions habituelles.






  
  
  
  
  

  
  




  





  
  

  
  




Con: Arnaques et corruption.
D'autres sites de relocalisation n'ont pas eu la même chance que ce site-ci. L'agence gouvernementale en charge des sites de relocalisation , la NHA (National Housing Authority) n'a pas la capacité de développer tant de sites elle-même. Elle fait donc appel à des sous-traitants du secteur privé.

Pour chaque maison, la NHA paie  300 000 pesos  à un sous-traitant pour que ce dernier construise la maison, qui sera in fine remboursée 300 000 pesos par ses propriétaires au bout de 30 ans.
Sauf que le sous-traitant réduit la qualité des matériaux et du travail autant que faire se peut.
Pour ainsi garder tout l'argent qui n'aura pas été dépensé.

Parfois, cela va même plus loin. Le sous-traitant qui a empoché l'argent ne fait pas les travaux lui-même. Il engage à son tour un second sous-traitant, qui recevra bien moins que  les 300 000 pesos pour faire la maison. Le premier gardera donc la différence, et sans rien faire!

Un sous-traitant en bout de chaîne a avoué à combien revenait réellement une maison construite par lui: 40 000 pesos seulement!

Une maison que la famille relocalisée paiera 300 000 pesos!

C'est voler les pauvres, ni plus, ni moins.

Bien sûr, la qualité du travail est déplorable.
Fissures dans les murs après quelques semaines, prises électriques pas raccordées, toilettes qui n'évacuent pas...

Le vol ne se limite pas à la construction de la maison. Il y a aussi l'électricité.
Moi, je paie ce que je consomme. Comme vous. Normal quoi...
Cela me revient en gros à 250 pesos par mois (hé oui, moins de 5€ par mois!)

Mais certains pauvres, eux, n'ont pas cette chance. On leur refuse simplement l'accès à un compteur électrique.
Peu importe ce qu'ils consomment réellement, ils doivent payer un minimum de 500 pesos par mois. Bien sûr, ils ne consomment pas autant.
Après comparaison, je consomme bien plus d'électricité qu'eux. Et je paie moitié moins.

Pire, parfois, leur facture peut monter jusqu'à 2000 pesos. Sans justification, bien sûr, car pas de compteur.
Il s'avère que la pratique consiste à faire payer à quelqu'un les factures impayées de ses voisins. Sympathique, comme pratique, n'est-il pas?
"Ton voisin n'a pas payé, alors c'est toi qui paies à sa place!"

Bien sûr, les pauvres n'ont pas les moyens de payer de telles factures.

Bien sûr, en cas de non paiement, l'électricité est aussitôt coupée...

Ce genre de pratique ne se limite pas à certains sites de relocalisation.
Des amis qui vivent dans un bidonville de Manille m'ont confié que c'était pareil pour eux.


Con: manque de perspectives d'emploi.
C'est de loin la plus grande angoisse des résidents relocalisés.
Avant la relocalisation, ils avaient un travail et parvenaient à subvenir aux besoins de leur famille.
Mais maintenant, ils sont trop loin de leur ancien lieu de travail.
De plus, sur le même site, ils ne sont pas deux ou trois personnes dans la même situation, mais des centaines, voire des milliers.

Certains souhaiteraient démarrer un petit commerce, mais ils n'ont aucun capital pour commencer.

Ceux qui arrivent à démarrer un petit quelque chose rentrent aussitôt en compétition avec leurs voisins. La demande locale, à cause des finances restreintes, ne se limite qu'à certains produits. Par conséquent, l'offre se limite à ces mêmes produits et tous rentrent en compétition les uns les autres pour arracher une part d'un bénéfice déjà maigre.

D'autres gardent leur ancien emploi et font le long trajet tous les jours. Ils doivent retrancher de leur salaire déjà maigre le coût du  transport supplémentaire. Sans compter les heures perdues dans le traffic.

D'autres encore gardent leur ancien emploi et décident de ne pas rentrer pas à la maison le soir. Ils restent dormir sur ou près de leur lieu de travail, c'est-à-dire dans la rue. Ils ne reviennent dans leur famille qu'un ou deux jours par semaine.
Dormir dans la rue et loin de sa famille...
Sacrifier sa santé et sacrifier ses liens familiaux.
Pour une sortie du tunnel bien hypothétique au bout de 30 longues années de paiement.
Le jeu en vaut-il la chandelle?

Certains font le choix que non, et ils repartent vivre avec leur famille dans les bidonvilles urbains, au grand damn des autorités qui les considèrent en général comme des ingrats.


Con: clusion! 
L'ampleur sans précédent du processus de relocalisation me conduit à penser que:

- soit les autorités philippines ont la lucidité de développer drastiquement l'offre d'emploi dans ces zones péri-urbaines, par exemple en encourageant l'implantation d'usines ou de toute autre activité accessible à cette main d'oeuvre, certes non qualifiée, mais qui ne demande qu'à travailler honnêtement pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de sa famille.
Ce serait un scénario "Gagnants/Gagnants".

- soit il n'y aura aucune action en ce sens, ce qui laissera à penser que la relocalisation n'aura en fait été qu'une relégation sociale sous couvert d'"aide aux pauvres".
Avec à la clé une ghettoïsation de ces zones sur le modèle des banlieues en France, avec montée du chômage dans un premier temps, puis de la délinquance et de la consommation de drogues dans un second temps, avec en parallèle un exode des relocalisés vers de nouveaux bidonvilles près des zones de réelle activité économique, au grand damn des habitants de ces zones et des autorités.
 Ce serait un scénario "Perdants/Perdants".

Moi, perso, allez savoir pourquoi, j'préfère le premier...




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