L'étude ACE, c'est quoi?
L’étude ACE de Vincent Felitti et al (1998) porte sur les effets des traumatismes dans l’enfance sur la santé à l’âge
adulte.
ACE est l’acronyme en anglais de « Adverse
Childhood Experiences » qui peut se traduire par « les expériences
négatives de l’enfance ».
Cette étude a trouvé une forte corrélation entre
les traumatismes dans l’enfance et les causes des décès une fois adulte.
Le score ACE est utilisé pour évaluer le stress total durant l’enfance.
Il y a 10 types de ACE dans l'enquête. Le score ACE va donc de 0 à 10.
Voici les 10 ACE et à quel point ils sont fréquents:
Parmi les 17 000 personnes interrogées pour l'enquête, quasiment deux tiers des adultes avaient expérimenté au moins une des expériences négatives de l'enfance:
Voici les 10 ACE et à quel point ils sont fréquents:
Parmi les 17 000 personnes interrogées pour l'enquête, quasiment deux tiers des adultes avaient expérimenté au moins une des expériences négatives de l'enfance:
Plus le score ACE est élevé, plus la personne a de risques de faire face dans l'avenir aux problèmes sociaux et de santé suivants :
- Alcoolisme et abus d’alcool
- Maladie pulmonaire obstructive chronique-MPOC
- Dépression
- Mort fœtale
- Santé et qualité de vie médiocres
- Usage de drogues
- Cardiopathie ischémique
- Maladies du foie
- Risque de violence entre partenaires
- Partenaires sexuels multiples
- Maladies sexuellement transmises-MST
- Tabagisme
- Tentatives de suicide
- Grossesses non-intentionnelles
- Initiation précoce aux cigarettes
- Initiation précoce aux activités sexuelles
- Grossesses chez les adolescentes.
Plus le score ACE est grand, plus les risques sont élevés.
Si vous souhaitez connaître votre score ACE, voici le questionnaire:
Felitti et Anda se demandaient si la cause de cette forte corrélation était que les personnes traumatisées dans leur
enfance étaient plus susceptibles de fumer, de boire et de trop manger comme
une sorte de stratégie d’auto-adaptation pour gérer l’anxiété chronique - ce
qui expliquerait leur plus mauvais état de santé.
Mais là, premier choc : si ces
mécanismes de compensation malsains étaient courants, ils ne pouvaient pas être la raison principale.
Par exemple, les personnes avec un score
ACE de 7 ou plus qui ne buvaient pas, ne fumaient pas, n’avaient
pas un excès de poids, n'étaient pas diabétiques et n’avaient pas un taux de
cholestérol élevé, avaient toujours un risque de maladie cardiaque plus élevé
de 360% par rapport à celles ayant un score ACE de 0.
D’autre part, on pouvait penser que la
diminution de l’espérance de vie avait un lien direct avec la pauvreté.
En effet, statistiquement, la frange la
plus pauvre de la population a bien une espérance de vie plus faible que le
reste de la population.
Il est donc possible de penser que vivre
dans la pauvreté est le problème qui a pour conséquence de raccourcir l’espérance
de vie.
Mais là, second choc.
L’étude ACE ne portait pas sur
les pauvres, mais uniquement sur la classe moyenne.
Les gens de la classe moyenne
qui ont un score ACE élevé (6 ou plus) ont une espérance de vie raccourcie de
20 ans par rapport à ceux qui ont un score ACE de 0:
Ce n’est donc pas le fait d’être
pauvre qui raccourcit l’espérance de vie.
De nombreuses équipes
scientifiques ont par la suite poursuivi les recherches et l’ont confirmé: ce
sont bien les traumatismes de son enfance qui raccourcissent drastiquement l’espérance
de vie d’un adulte.
Aujourd’hui, la compréhension des expériences négatives de l'enfance
révolutionne notre perception de nous-mêmes, notre compréhension de la façon
dont nous sommes devenus ce que nous sommes, et comment nous pouvons mieux prendre
soin de nos enfants.
Ce n’est pas tant votre mode de vie qui vous tue, c’est votre stress:
Le stress causé par
les traumatismes émotionnels ou physiques que les adultes ont vécus dans leur
enfance les rend malades des décennies plus tard, même s'ils ont de bonnes
habitudes de vie.
L’adversité à laquelle un enfant
est confronté n’a pas besoin d’être sévère pour créer de profonds changements
biophysiques menant à des problèmes de santé chroniques à l’âge adulte.
Ainsi, les dix types d'adversité
examinés dans l’étude présentaient des dégâts presque égaux.
Même si certains types d’adversité,
tels que les abus sexuels, sont moralement perçus par la société comme pires, l’humiliation
récurrente de la part d’un parent, par exemple, a un impact encore plus
préjudiciable.
L’exposition à des formes très
courantes de dysfonctionnement familial, telles que le manque d’affection
familiale ou de discorde parentale, entraîne des diminutions de la taille et du
volume du cerveau.
Le stress toxique chez l’enfant modifie son cerveau.
Les mécanismes du stress:
Disons que vous êtes au lit et
que tout le monde à la maison est endormi.
Il est une heure du matin.
Vous
entendez un craquement dans l'escalier.
Puis un autre craquement.
Maintenant,
il semble que quelqu'un se trouve dans le couloir.
Vous ressentez une soudaine
sensation de vigilance, avant même que votre esprit conscient ne pèse les
possibilités de ce qui pourrait se passer.
Une petite région de votre cerveau
appelée hypothalamus libère des hormones qui stimulent deux petites glandes -
l'hypophyse et les glandes surrénales - pour qu'elles envoient à leur tour des
produits chimiques dans tout votre corps.
L’adrénaline et le cortisol amènent
les cellules immunitaires à sécréter de puissantes molécules messagères qui
stimulent la réponse immunitaire de votre corps.
Votre pouls palpite sous votre peau
pendant que vous êtes allongé(e), à l’écoute. Les poils à la surface de vos bras se
lèvent. Vos muscles se resserrent. Votre corps a reçu la mission de prendre des
mesures pour se protéger.
Vous êtes en alerte.
Ensuite, vous reconnaissez ces pas
comme étant ceux de votre frère qui monte les marches après avoir terminé son bol de
céréales de minuit. Votre corps se détend. Vos muscles se relâchent. Les
poils de vos bras s'aplatissent. L’activité de votre hypothalamus, ainsi que de
votre hypophyse et de vos glandes surrénales - «axe de stress HPA» - diminue.
Ouf,
vous vous relâchez.
Lorsque vous réagissez bien au
stress, vous réagissez rapidement et de manière appropriée.
Les hormones du stress jouent un rôle dans notre fonction immunitaire.
Quand le stress est permanent,
le corps produit également des hormones du stress en permanence, ce qui conduit
à une inflammation non régulée. Et l'inflammation se traduit par des symptômes
et des maladies.
Et cela explique pourquoi il y a
un lien aussi important entre un état de stress permanent et un nombre de
maladies nettement plus élevé.
Le stress est une réaction
normale et importante pour le corps en cas de danger. Mais cette réaction n’a
jamais été destinée à durer.
Le stress permanent, lui, est toxique pour le
corps.
La réponse au stress fait alors plus
de dégâts que le facteur de stress lui-même.
Le stress est plus
dommageable pour un enfant:
Bien sûr, le stress émotionnel
dans notre vie adulte nous affecte.
Mais lorsque des enfants ou des
adolescents se heurtent à des facteurs de stress émotionnels, les effets sont
encore plus importants.
Ces facteurs de stress
potentiels comprennent notamment:
- le dénigrement
- la négligence émotionnelle
- le divorce
des parents
- le décès d’un parent
- les sautes d’humeur d’un parent dépressif ou
dépendant
- les abus sexuels
- les traumatismes médicaux
- la perte d’un frère ou d’une
sœur
- la violence physique ou communautaire.
Dans chacune de ces situations, il peut arriver que le cerveau reprogramme durablement sa réponse au stress.
Chez les enfants jeunes et en
croissance, le processus de réaction du corps face au stress n’est pas encore arrivé
à maturation.
Lorsqu'un cerveau d’enfant est
constamment poussé dans un état d'hyperexcitation ou d'anxiété à cause de ce
qui se passe, dans la famille, à l'école ou dans la communauté, le corps est
régulièrement inondé de substances neurochimiques du stress inflammatoire.
Cela peut entraîner des modifications
physiologiques profondes conduisant à une inflammation et à une maladie
persistantes.
L'imprévisibilité, un facteur déterminant:
Les adultes ayant eu des
expériences défavorables dans leur enfance sont dans un état d'alerte permanente.
C’est un fonctionnement que leur cerveau a acquis dans l’enfance, alors qu'il leur était impossible de
prévoir la prochaine situation de stress.
Le cerveau réagit de la même manière
aux différents types et degrés de traumatismes, car tous ont un dénominateur
commun très simple: ils sont tous imprévisibles.
L’enfant ne peut pas prédire
exactement quand, pourquoi ou d’où viendra le prochain choc émotionnel ou
physique.
Ce n’est pas l’intensité d’un
événement traumatisant qui importe. Le cerveau d’un enfant est capable de tolérer
des événements extrêmement stressants s’ils sont prévisibles et temporaires,
comme par exemple le deuil d’un grand-parent.
Ce n’est pas tant la fréquence
des événements traumatisants qui importe.
Si le cerveau a la possibilité de
savoir à l’avance, il a la capacité de se préparer et de faire face et de
retourner ensuite en mode normal une fois le danger passé.
A contrario, même si
ces événements n’arrivent que très rarement, s’ils sont perçus par l’enfant
comme étant imprévisibles, le cerveau de l’enfant restera constamment sur ses
gardes.
II reste en état de stress
permanent, et cela devient son fonctionnement habituel.
L’importance de la présence d’un
adulte fiable:
Les enfants qui sont plus
résilients après avoir été confrontés tôt à l'adversité avaient souvent un
adulte important et fiable vers qui se tourner dans leur jeunesse; un adulte
qui est intervenu et les a aidés à comprendre que ce qui se passait ne les
concernait pas et n’était pas de leur faute.
La présence ou l’absence d’un soutien
adéquat peut avoir un impact important sur le fait que les facteurs de stress
deviennent tolérables ou toxiques.
Le stress est tolérable lorsque
des difficultés, même aussi graves que la perte d'un être cher ou une
catastrophe naturelle, sont temporaires et sont atténuées par des relations
avec des adultes qui aident l’enfant à comprendre et à s'adapter.
Avec quelqu'un sur qui s'appuyer
et avec de l’amour, le cerveau de l’enfant peut se remettre de ce qui pourrait
autrement être dommageable.
Petit coup de gueule au passage:
Services sociaux de l'enfance, si vous me lisez, veuillez prendre note, vous qui préconisez aux familles d'accueil de "s'attacher à l'enfant mais sans donner d'amour", et qui accusez de "faute grave" celles dont les enfants placés deviennent "trop attachés à leur famille d'accueil qui leur procure trop d'amour".
Si le bon sens ne vous suffit pas, la recherche scientifique est désormais à votre disposition.
Peu importe le facteur de
stress, qu’il s’agisse de pauvreté, de maltraitance à la maison, de harcèlement
ou des résultats scolaires, le stress a une incidence sur la structure et
l’architecture du cerveau.
Le stress n’est pas l’ingrédient
de la réussite.
C’est une recette pour briser le
cerveau.
Quelles sont ces solutions?
Le cerveau est malléable. Il est possible de le reprogrammer.
Tout comme les blessures physiques et les contusions
guérissent, tout comme nous pouvons retrouver notre tonus musculaire, nous
pouvons recouvrer un fonctionnement normal dans des zones cérébrales sous-développées.
Aujourd'hui, les scientifiques
reconnaissent un éventail d'approches prometteuses pour réinitialiser notre
réponse au stress afin de réduire l'inflammation, et donc les risques de maladies et de mort prématurée.
1) La meilleure solution pour réparer le cerveau est la méditation.
D'autres solutions efficaces sont:
2) Remplir le questionnaire ACE.
Identifier et s'exprimer sur les épreuves traversées dans l'enfance aident à avancer.
3) Remplir le questionnaire de résilience.
Comme dans
le cas de l’enquête ACE, l’enquête sur la résilience donne un aperçu de votre
histoire personnelle, en mettant en lumière vos points forts. Les aspects
positifs de vos expériences d’enfance sont une partie essentielle de votre
histoire.
Il est
important de calculer notre score de résilience tout autant que notre score ACE
afin de comprendre ce qui nous a aidés à résister à l'adversité. Cela nous
permet d’identifier et d’intégrer
davantage de facteurs de résilience dans notre vie adulte.
4) Yoga, Tai Chi et Qigong:
Pour aller plus loin:
Si vous voulez en découvrir plus sur le sujet, lisez "Childhood disrupted" de Donna Jackson Nakazawa. (in English only)