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lundi 8 février 2016

La Mer et l'Enfant (petite parabole des temps modernes)



Il était une fois une petite île, un petit confetti de paradis perdu au milieu de l’océan.
Ses habitants vivaient en harmonie avec la mer, elle était à la fois leur garde-manger avec la pêche et le ramassage de coquillages, et le théâtre de leurs jeux aquatiques de toutes sortes.
Mais voilà : un jour, un requin se trouva par hasard à errer dans le lagon, et il eut la fâcheuse idée d’attaquer un enfant.
L’enfant atrocement dévoré fut montré à tout le village. Les habitants furent traumatisés : ils avaient peur qu’un requin ne les attaque, eux ou les personnes qu’ils aimaient.
Du coup, quelques personnes interdirent à leur famille d’aller se baigner.
Au fil du temps, la peur se répandit. Tant et si bien qu’un jour, le chef du village lui-même décida d’interdire la mer pour tous les habitants de l’île.
Certains trouvaient vraiment dommage de ne plus aller en mer : la vie serait plus dure sans poissons pêchés, sans coquillages ramassés et enfin, sans jeux dans l’eau…
Mais c’était le seul moyen d’éviter les attaques de requins et la sécurité était plus importante que tout.


Cette histoire s’était passée il y a très très longtemps.
Tellement longtemps que les gens ne se la rappelaient plus exactement.
Mais même s’ils n’en savaient plus vraiment la cause, il était toujours interdit de se baigner.
A l’école, on enseignait aux enfants à éviter la mer à tout prix, sinon ils risquaient les pires dangers !
C’est ainsi que tous les habitants de l’île grandissaient dans la crainte de la mer.


Tous sauf un.
En effet, il se trouvait qu’un petit enfant, un orphelin, avait été de tout temps fasciné par la mer.
Tous les jours, il s’asseyait sur la plage et il l’observait les yeux grands ouverts pendant d’interminables heures. Il était bien sûr au courant de tous les dangers qui se disaient sur elle, mais il ne pouvait s’empêcher d’être attiré.
Si bien qu’un jour, il décida, en cachette, de mettre un pied dans l’eau.
Il avait peur de ce qui pouvait lui arriver, on lui avait raconté tant de choses atroces sur la mer, et surtout sur les requins !
Mais il ne se passa rien.
Alors il mit l’autre pied dans l’eau. Et il ne se passa rien.
Alors il rentra dans l’eau jusqu’à la taille. Et il ne se passa rien.
Alors il plongea entièrement et resta jouer dans l’eau pendant quelques minutes. Et là encore, il ne se passa rien.
Rien, sauf le plaisir, un plaisir comme il n’en avait jamais connu de toute sa vie.


Le lendemain, l’enfant retourna se baigner, cette fois-ci sans se cacher.
Les autres habitants furent horrifiés. Ils lui lançaient à tout va :
« Tu n’as pas le droit de faire ça ! »
« C’est beaucoup trop dangereux ! »
« Reviens, tu vas te faire dévorer ! »
« Tu es inconscient, mon pauvre ! »
Puis au bout d’un moment, voyant que l’enfant ne revenait pas :
« On t’aura prévenu ! »
« Tant pis pour toi ! »


Mais l’enfant revint encore une fois sain et sauf de sa baignade.
Une fois à terre, les habitants essayèrent de le ramener à la raison.
En vain : pour lui, la vie sans mer ne valait pas la peine d’être vécue.
Il expliqua que la mer n’était qu’un risque parmi tant d’autres, que le risque faisait partie de la vie, et qu’il fallait apprendre à vivre avec et le gérer. Vouloir supprimer tous les risques, c’était s’arrêter de vivre !
Mais l’enfant ne convainquit personne. Pour les habitants, se mettre ainsi volontairement en danger, c’était de la pure inconscience, presque de la folie !


Les jours passèrent, et l’enfant apprit à comprendre la mer, ses trésors et ses dangers. Il inventait toujours plus de jeux merveilleux, de plongeons formidables, de chasses au trésor englouti. Il apprit à connaître ses habitants, et même les requins ! Il apprit ainsi à mesurer les risques.


Sur le rivage, des enfants s’asseyaient à leur tour sur le sable et ils regardaient avec envie l’enfant qui s’ébattait dans tous ces jeux fantastiques.
Beaucoup de parents interdisaient désormais à leurs enfants d’approcher celui qu’ils considéraient comme un fou.
Mais malgré cela, les enfants étaient tous les jours un peu plus nombreux sur la plage.
Et ils observaient. Et ils voyaient que, de tout ce qu’on leur avait raconté à l’école, rien ne se passait. 
Alors, un jour, un enfant un peu plus hardi que les autres osa mettre un pied dans l’eau.
Les autres enfants le regardèrent, stupéfaits.
Puis, l’enfant mit  l’autre pied.
Puis, il rentra jusqu’à la taille.
Puis, il plongea entièrement et partit aussitôt rejoindre l’autre enfant pour jouer.
Alors, tout s’accéléra : d’autres enfants s’approchèrent de l’eau à leur tour, et petit à petit, rentrèrent dans l’eau.


Quand leurs parents l’apprirent, ils furent horrifiés et ils interdirent à leurs enfants de recommencer.
Mais la plupart des enfants y retournèrent malgré tout.
Au fil des jours, certains parents finirent par s’y faire, et certains même tentèrent une baignade à leur tour.
Les habitants de l’île purent reprendre la pêche petit à petit, ainsi que le ramassage de coquillages, et les conditions de vie s’améliorèrent grandement sur l’île.
Alors, à tous à ceux qui oseraient voir quelques convergences avec notre société, je serais tenté de leur dire :

« VENEZ VOUS BAIGNER ! »

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